Friday, February 10, 2006

Le monde entre en piste aux JO de Turin



PRIVÉE DE TAPIS BLANC, prisonnière de flocons avares, Turin affiche une mine désolée. La capitale du Piémont s'ouvre et s'offre sur une incongruité à l'heure de célébrer sa majesté Hiver. Comme avant elle Saint-Moritz en 1928 ou Lake Placid en 1932.

Seule une lente et patiente ascension vers les stations haut perchées, distantes de 80 kilomètres (record olympique), permet à «Turin» point d'ancrage des XXes Jeux d'hiver éponyme de peindre un peu les montagnes, de tendre un décor de saison, de planter oriflammes et slogans, de diffuser des frissons pour ces Jeux coupés en deux : Turin et ses satellites (Bardonecchia, Cesana San Sicario, Pinerolo, Pragelato, Sauze d'Oulx, Sestrières), pieuvre froide aux multiples tentacules, sur la carte routière comme le long des langues goudronnées accrochées aux pentes enneigées.

Une topographie à apprivoiser, une logistique à maîtriser quand, à quelques heures du lever de rideau, les approximations se multiplient, les retards et les erreurs d'aiguillage s'enchaînent, laissant planer d'épais doutes sur l'orchestration sans fausse note des sites dispersés pour des Jeux écartelés.

Les Jeux, une galerie des glaces qui se visite et ne s'oublie pas

Imperturbable, le sablier libère ses derniers grains, sème en bout de piste un début de fébrilité, avant la cérémonie d'ouverture, ce soir, et les premières épreuves demain. La flamme a gagné Turin hier, au terme d'un périple de plus de 11 000 kilomètres parfois modifié, particulièrement malmené, notamment par des militants altermondialistes protestant contre l'un des sponsors, Coca-Cola.

Les Jeux olympiques d'hiver s'apprêtent toutefois à diffuser leur magie. Les sites superbes patientent sous le soleil. Les athlètes peaufinent leurs réglages à l'occasion des ultimes séances d'entraînement, habités par ces Jeux, ces courses d'un jour pouvant bouleverser le cours d'une vie. Les Jeux, une galerie des glaces qui se visite et ne s'oublie pas. A l'heure du prélude attendu devant une kyrielle d'hommes d'Etat et de personnalités, l'Italie (50 ans après Cortina d'Ampezzo) peine encore à prendre la mesure de l'événement, comme le regrette Giorgio Rocca, le slalomeur et chef de file de la délégation transalpine quand le légendaire Alberto Tomba (pressenti pour être l'un des derniers porteurs de flamme avec Stefania Belmondo et Deborah Compagnoni) sent ses compatriotes capables de s'embraser à l'heure H.

Dix-sept jours durant, le monde ouvrira grand les «Jeux» sur Turin, ville réputée pour sa froideur. La capitale du Piémont (et ses stations) sera une ville monde, une ville ventre. Une cité dans laquelle rivaliseront 2 500 athlètes, en lice pour 84 titres, s'inviteront les spectateurs et trois milliards de téléspectateurs.

La sécurité, leitmotiv oppressant des Jeux de Salt Lake City, il y a quatre ans, s'inscrit en filigrane de l'épisode transalpin. 15 000 personnes (dont 2 500 militaires) seront chargées d'assurer la sécurité de l'événement. Un avion de l'Otan s'accrochera dans le ciel olympique, des spécialistes des attaques chimiques ou nucléaires et des centaines de contrôles compléteront un arsenal soigné pour parer à toute menace, contrer toute éventualité. L'autre dossier sensible, le dopage, a bénéficié de procédures renforcées (1 100 contrôles prévus, notamment sur tous les skieurs de fond hier, soit 72% de plus qu'il y a quatre ans) pour installer dans une bulle la parenthèse enchantée, ne pas faire vaciller une flamme, posée à Turin dans une vasque haute de 57 mètres, décidée à brûler. Au-dessus des sommets, de la neige, du silence. Citius, altius, fortius.


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